mercredi 21 janvier 2015

Application de la loi Leonetti : état actuel et évolution souhaitable



Membres du groupe Dialogue et Liberté  nous avons réfléchi, lu, visionné des enquêtes, entendu des témoignages, échangé entre nous au cours de plusieurs réunions, à propos de la Loi Leonetti  et de ses éventuelles modifications à venir. Quatre points ont particulièrement retenu notre attention.

L'adéquation de la loi :

Unanimement, nous  déclarons que la Loi actuelle nous convient globalement.

Nous apprécions avant tout que le but de la loi soit d’éviter tout acharnement thérapeutique en fin de vie et donc d’éviter des souffrances inutiles.

Les autres éléments positifs sont, d’une part le respect de la volonté du malade (et/ou de ses directives anticipées), d'autre part le dialogue avec l’entourage (et/ou la personne de confiance) , et enfin la concertation collégiale des soignants avant la décision qui doit rester médicale.

 Le but des soins palliatifs étant de soulager le malade et d’éviter la douleur, une sédation profonde est parfois nécessaire, sans que, pour autant, elle soit qualifiable de terminale, étant donné qu’elle pourrait être modifiable (donc réversible) en cas d’amélioration du sujet.

De telles situations sont à apprécier « au cas par cas » et ne pourront pas dépendre de textes législatifs nouveaux.

Ainsi  nous souhaitons que le traitement sédatif corresponde aux soins nécessaires même s’il a pour conséquence secondaire un risque de réduction du temps de vie, mais nous sommes opposés au qualificatif de terminale relatif à la sédation et à plus forte raison à celui de « suicide assisté ».



La place de la mort dans la société contemporaine

Nos échanges sur nos expériences personnelles et les cas relatés par les media montrent cependant que cette loi est insuffisamment appliquée, en grande partie à cause de la méconnaissance que beaucoup en ont. L'une des causes de cette méconnaissance semble être que la société actuelle refuse de donner sa place à la mort.

            La mort est une composante inéluctable de la vie. Il est regrettable que la société contemporaine occidentale occulte cette réalité : on la cache , on considère que c'est un échec.           

On constate que l'on ne se préoccupe de la mort que lorsqu'on est concerné soi-même ou par un proche.

            Pourtant, se préparer, notamment en rédigeant des directives anticipées et en désignant une personne de confiance, pourrait contribuer à vivre son approche de façon plus sereine en maintenant une bonne qualité relationnelle avec l'entourage et le personnel soignant.



La Loi  Léonetti  en tant que Chrétiens.

La position de L’Église :

       -Pas d’acharnement thérapeutique, mais soulager les souffrances quitte à diminuer la longueur de vie.

        -Le Christ a eu sa mort imposée. Il en a fait un don. Il ne savait pas, il s’en remet à son Père.

       -Par le Christ nous savons ; les apôtres ont vu le Christ mort et trois jours après il s’est manifesté vivant au milieu d’eux.

Pour nous mêmes:

Quand nous arriverons à cette expérience finale, où l’on ne peut parfois que penser et prier, que le soulagement apporté par des soins palliatifs appliqués selon la philosophie de la loi Leonetti, nous permette une fin moins angoissée et plus sereine.


Des pistes d'action concernant le projet de réforme de la loi Leonetti

Quelques fondements

            Pendant la fin de vie -prématurité, néo-natalité, accident, maladie, vieillesse-...  le mourant est toujours un vivant!

            L'importance de la parole est primordiale.

            Ce qui compte, c'est la personne, c'est à dire un être relationnel - avec les autres  et, pour les croyants, avec Dieu-.

            Écouter, accompagner, soulager,  c'est reconnaître et promouvoir la dignité de la personne. Tandis que s'engager sur la voie de mort, pour motif de compassion, ne laisse plus de place pour l'écoute, ni l'évolution de la personne.
            Ce qui est très important, c'est tout ce qui se passe avant la phase terminale : la fin de vie, la préparation à la mort, et donc l'accompagnement.  Par les proches et par les personnels de santé.

            Ne faudrait-il pas que les médecins, à commencer par le médecin traitant, abordent les questions de la fin de vie directement,  et non pas en sous-entendu dans des situations graves,  même si tout se finit bien?



Des propositions:

            L'accompagnement par la parole et l'écoute nécessite une formation qui devrait être dispensée davantage auprès des étudiants en médecine,  auprès des personnels soignants et auxiliaires des services hospitaliers, des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), des maisons de retraites, mais aussi facilitée pour toute personne volontaire qui le souhaiterait.

            Il conviendrait que les instances publiques, représentatives et associatives fassent davantage connaître la législation sur la fin de vie, et les pratiques d'accompagnement:  une loi ne s'applique bien que si elle est connue de tous. 

            Et que chacun à son niveau, citoyens ou institutions, développe «la culture palliative», en veillant à l'augmentation de l'offre des diverses formes de soins palliatifs, autant si ce n'est plus que celle du nombre de lits hospitaliers en soins palliatifs.

            La fin de vie mérite que lui soit consacré du temps, de l'attention, du respect ...et de l'argent!  

            Sur ce dernier aspect, il semblerait souhaitable de bien approfondir la réflexion, et d'aller jusqu'à mettre à plat dans le débat public la question du coût des soins en fin de vie, pour les malades et/ou leur famille et pour la société.

            Nous ne devons pas être indifférents à ces dépenses de la collectivité, car la poursuite de traitements inutiles a de fait un coût qui peut aller à l’encontre de soins à d’autres populations très démunies. Toutefois la notion d’économies ne doit pas être un prétexte à instituer «un droit à l'euthanasie»,  au risque de dérives vers «un droit  -voire un devoir?-  d'«euthanasier»!

            Quant aux directives anticipées et la désignation de personne de confiance,  ne pourrait-on envisager de fortement y inciter -ou d'y obliger?-  toute personne entrant en institution ou à l'hôpital à partir d'un certain âge ou pour une maladie ou un état particulièrement grave?

Des points d'attention et de vigilance

            Trop -ou même davantage- légiférer n'empêchera jamais l'existence de zones de non-droit!

            Une loi fournit un cadre mais ne dispense pas de choix difficiles au cas par cas:  elle ne peut pas fournir de solution automatique.

            Une loi trop détaillée n'est jamais souhaitable car des «règles automatiques» ne peuvent pas permettre dans les cas spécifiques -inévitables- une souplesse d'adaptation par les personnes concernées  ni éventuellement une interprétation en l'espèce par le Juge.

            Á l'encontre d'un médecin ou d'un proche qui pratique en son âme et conscience un geste létal sur un malade en fin de vie dont les souffrances ne peuvent être apaisées,  l'acharnement judiciaire «au nom de La Justice» n'est pas souhaitable (pas plus que l'acharnement thérapeutique «au nom de La Vie»),

            mais ...il pourrait être dangereux de faire de ces pratiques un «droit»...

 mise en ligne le 31 janvier 2015 par J. Derouault


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